"Ce ne sont pas les choses qui troublent les hommes, mais leurs perceptions des choses" - Epictète
"Ce ne sont pas les choses qui troublent les hommes, mais leurs perceptions des choses" - Epictète

PEUT-ON SE RÉJOUIR DE L'ÉPHÉMÈRE

L'éphémère est une notion qui a mobilisé de nombreux philosophes et penseurs à travers les âges, tant en Occident qu'en Orient. Cet intérêt découle de cette propriété qu’a l'éphémère d’ interroger notre devenir, pour nous en inquiéter, souvent, mais aussi et peut-être avant tout, pour nous rappeler et célébrer la beauté fragile de la vie.

 

Se réjouir de l'éphémère peut sembler paradoxal dans une société qui valorise la stabilité, la pérennité, quand elle ne s’engage pas dans un élan religieux vers l'éternité ou prométhéen vers l’immortalité.

 

Pourtant, c'est précisément dans l’impermanence que se trouve une source profonde de joie et d'enchantement.

 

Explorons comment et pourquoi nous pouvons nous réjouir de l'éphémère à travers les pensées de grands philosophes.

 

L'expérience enfantine de faire des bulles

 

Imaginez un enfant, debout dans un jardin, soufflant délicatement dans un anneau trempé dans du savon. Une bulle se forme, scintillante sous la lumière du soleil, puis s'élève doucement avant de disparaître. Pour l'enfant, chaque bulle est une source d'enchantement, un petit miracle de beauté éphémère.

 

Comme l'écrit Gaston Bachelard dans La Poétique de l'Espace,

 

"La bulle est une manifestation de la rêverie pure, une célébration de l'instant."

 

Henri Bergson, dans ses réflexions sur la perception du temps, pourrait dire que dans ces moments, l'enfant vit pleinement dans le présent, se réjouissant de l’instant, sans se soucier de sa fugacité.

 

Cette expérience enfantine illustre parfaitement comment nous pouvons trouver de la joie dans des choses éphémères, parce qu’éphémères. La bulle de savon, bien que fragile et temporaire, apporte une joie pure précisément parce qu'elle ne dure pas.

 

Et cependant, il ne viendrait à l’idée de personne de porter le deuil d’une bulle. Puisqu’il n’appartient qu’à nous qu’une autre bulle lui succède et renouvelle la magie, en se présentant « ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre » comme l’écrivait ce cher Verlaine dans son poème du rêve familier.

 

Vivre avec légèreté

 

La capacité de saisir l’éphémère dans sa vivacité  et de vivre avec légèreté est une force et un talent. Celui de vivre avec légèreté nos tribulations comme la bulle dans sa danse au gré du vent.

 

Friedrich Nietzsche, dans Ainsi parlait Zarathoustra, « Zarathoustra le danseur, Zarathoustra le léger », Nietzsche donc,

évoque l'importance de la légèreté à travers la danse comme contrepoint à « l’esprit de pesanteur » et comme métaphores de la vie bien vécue. Pour Nietzsche, accepter l'éphémère, c'est entrer dans la danse de la vie, avec ses pics, ses gouffres, ses trous d’air, ses élans, ses apparitions et disparitions. C’est la condition même d’un esprit philosophique :  

 

Nietzsche : « Je ne vois pas, dit-il, ce que l’esprit d’un philosophe pourrait désirer de meilleur que d’être un bon danseur. »

 

Arthur Rimbaud, son contemporain qui ne l’a cependant jamais lu, renchérit dans ses Illuminations :

"J'ai tendu des cordes de clocher à clocher; des guirlandes de fenêtre à fenêtre; des chaînes d'or d'étoile à étoile, et je danse ».

 

On pourrait encore poursuivre leur conversation imaginaire par cette répartie de Nietzsche :

« Il faut encore porter en soi un chaos, pour pouvoir mettre au monde une étoile qui danse" (Ainsi parlait Zarathoustra).

 

Rabindranath Tagore, poète et philosophe indien, offre une perspective similaire de cette joie de l’éphémère.

 

Dans son recueil Gitanjali, il célèbre la beauté transitoire de la nature et l’enchantement de vivre en harmonie dans le flux constant du changement.

 

« Que ta vie danse légèrement sur les bords du Temps comme la rosée sur la pointe d'une feuille ».

 

Pour Tagore, chaque moment éphémère est une invitation à la célébration. On commence avec lui à éprouver, à expérimenter la joie et l’enchantement de l’éphémère.

 

La source de joie et d'enchantement dans l'éphémère

 

A quelles conditions l’impermanence et l’éphémère pourraient nous enchanter plutôt que nous inquiéter ? L'éphémère, en nous interpellant sur la nature transitoire de toutes choses, nous enjoint à apprécier davantage et pour ainsi dire « sur le tas » ce que nous percevons de l’ instant présent.

 

Malheureusement, ce n’est pas toujours notre premier mouvement. Et même, comme le développe largement Marcel Proust dans sa Recherche du temps perdu, c'est souvent dans la rétrospection que nous reconnaissons la véritable valeur des moments fugaces.

 

Jacques Prévert reconnaissait lui-même avec mélancolie ce décalage temporelle, cette diachronie:

 

« J’ai reconnu mon bonheur au bruit qu’il a fait en partant ».

 

A nous donc de coïncider avec l’irruption, la surprise et la fugacité de l’éphémère. En cultivant cette conscience à l’affut, qui nous permettrait d’habiter ces moments, dans un carpe diem spontané.

Où peut bien nous conduire cette jubilation pour l’éphémère ?

 

Un rien peut révéler l’infini

 

Revenons à nos bulles…

 

Pour Borges, dans ses labyrinthes littéraires, l'éphémère est une clé pour s’élancer vers l'infini.

 

Une bulle de savon, par sa nature passagère, peut refléter, révéler en instantané les couleurs, les perspectives du monde entier, à la manière d’un hologramme, avant d’éclater soudain, pour n’être plus rien.

 

De même, nos expériences et perceptions de l’éphémère peuvent englober, exprimer, des vérités profondes et universelles.

 

Spinoza, avec son concept de la substance unique dont nous ne serions que des modalités, des « manières d’être », pourrait quant à lui percevoir l’éclosion de la bulle comme une manifestation de l'unité sous-jacente du Tout.

 

La bulle est vide, mais en même temps, elle enveloppe ce vide avec une forme, des couleurs, des miroitements, elle réfléchit, elle résume le monde entier à la manière d’un hologramme qui captive et enchante.

 

La bulle et l’Amor Fati

 

C’est par une adhésion à la légèreté, au périssable, à l’instant fugace et déjà aboli que s’opère un acte de foi en la vie,

 

ce que Nietzsche, encore lui ,nommait l’Amor fati (Amour du destin), qu’il définit comme

 

« l'acceptation totale et inconditionnelle de la vie telle qu'elle est, à travers tous ses aspects, bons et mauvais. Il s'agit de dire "oui" à la vie, en embrassant chaque expérience comme nécessaire et souhaitable. Le réel est ce qu’il est, et c’est notre point de vue, notre façon de le percevoir, notre « manière d’être » qui en font quelque chose d’acceptable voire de désirable.

 

Non seulement comme nous l’avons vu précédemment, nous avons à nous synchroniser avec l’instant éphémère, mais aussi nous y ajuster, y adhérer, sans condition. Et pour y parvenir, Nietzsche nous invite à une fascinante expérience de pensée dans cette parabole tirée du Gai Savoir.

 

Nietzsche, Le poids le plus lourd, Le gai savoir.

 

— Et si, un jour ou une nuit, un démon venait se glisser dans ta suprême solitude et te disait : « Cette existence, telle que tu la mènes, et l’as menée jusqu’ici, il te faudra la recommencer et la recommencer sans cesse ; sans rien de nouveau ; tout au contraire !La moindre douleur, le moindre plaisir, la moindre pensée, le moindre soupir, tout de ta vie reviendra encore, tout ce qu’il y a en elle d’indiciblement grand et d’indiciblement petit, tout reviendra, et reviendra dans le même ordre, suivant la même impitoyable succession,… cette araignée reviendra aussi, ce clair de lune entre les arbres, et cet instant, et moi aussi ! L’éternel sablier de la vie sera retourné sans répit, et toi avec, poussière infime des poussières ! »… Ne te jetterais-tu pas à terre, grinçant des dents et maudissant ce démon ? A moins que tu n’aies déjà vécu un instant prodigieux où tu lui répondrais : « Tu es un dieu ; je n’ai jamais entendu nulle parole aussi divine ! » Si cette pensée prenait barre sur toi, elle te transformerait peut-être, et peut-être t’anéantirait ; tu te demanderais à propos de tout : « Veux-tu cela ? le reveux-tu ? une fois ? toujours ? à l’infini ? » et cette question pèserait sur toi d’un poids décisif et terrible ! Ou alors, ah ! comme il faudrait que tu t’aimes toi-même et que tu aimes la vie pour ne plus désirer autre chose que cette suprême et éternelle confirmation !

 

Nietzsche, Le Gai Savoir, IV, § 341

 

La méditation comme une bulle

 

Lao Tseu, dans le Tao Te Ching, enseigne que le vide est la source de toute potentialité. La bulle, dans sa fragilité et son impermanence, symbolise la fécondité du rien. Elle nous montre que même ce qui semble vide, fugace, futile, peut être beau plein de beauté et de sens.

 

La pratique de la méditation offre une expérience similaire à celle de la bulle. En méditant, nous nous permettons d'entrer dans un état de présence pure, où les pensées apparaissent et disparaissent comme des bulles de savon. La méditation nous apprend à apprécier ces moments éphémères dans le calme et la clarté, sans nous attacher à leur permanence, du reste impossible. Au contraire.

 

Conclusion

 

Se réjouir de l'éphémère, c'est embrasser la beauté de la fragilité et de l'impermanence. C'est reconnaître que chaque moment, aussi bref soit-il, peut être une source de joie et d’enchantement.

 

En nous appuyant sur les pensées de philosophes occidentaux et orientaux, nous pouvons apprendre à voir la magie dans les petites choses, à vivre avec légèreté, et à trouver une profonde satisfaction dans la danse éphémère de la vie. Que ce soit à travers le jeu des bulles de savon de notre enfance ou les méditations ou les expériences de pensée dans nos pratiques quotidiennes, l'éphémère nous offre un chemin vers un état d’esprit joyeux et, paradoxalement, durable.

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